Friedrich Leopold, Graf zu Stolberg, 25 August 1775

After finishing their university studies, Friedrich and his brother Christian toured extensively in Europe, at time traveling with Goethe, Klopstock and others. At Ferney they witnessed the visit of prince George of Hesse and his family. This episode is detailed in Paul Ristelhuber, Un Touriste allemand à Ferney en 1775 (Paris, Isidore Liseux, 1878). Ristelhuber translates the following letter from the German original.


Genève, 22-27 août 1775.

Le 25 après-midi, nous chevauchâmes vers Ferney. Ceux de Darmstadt y allèrent en voiture; le peintre Hubert nous avait tous annoncés auprès de Voltaire. Le vieux célebrait ce jour-là la Fête de Saint-Louis avec tous ses vassaux. Il reçut les personnages princiers avec un faste ridicule. Deux rangs de vassaux, 1'un rouge, l'autre vert, chacun l'épée nue et drapeaux déployés, bordaient la cour. Au milieu, lors de notre arrivée, fut tiré le canon. Voltaire vint au-devant des princes et conduisit la princesse dans la maison. Une longue Suite de chambres était pleine de dames et de messieurs qui le visitaient et le fêtaient. Il portait un habit rouge à mince bordure, un gilet avec un large galon d'or, une ample perruque de couleur Cendrée, des culottes de velours cramoisi. Il fut de la meilleure Humeur du monde, plein d'Attentions pour tous, surtout pour la princesse et pour sa jeune fille qui l'égayait fort. C'est un beau vieillard (quand il est de mauvaise humeur, on dit qu'il ressemble à un diable); il a de beaux yeux ardents qui peuvent devenir très-doux et très-aimables. Sa vanité est visible à tout moment, elle ne disparaît pas plus que son esprit. Il nous conduisit dans sa bibliothèque, qui est très-nombreuse; presque dans chaque livre il y a plusieurs signets, il les connaît tous. Il écrit toujours encore; un Commentaire sur l'Écriture Sainte doit être de lui sous presse en Hollande. Sa terre, bien que située en France, appartient à un diocèse de Savoie. Récemment l'évêque de Turin a porté plainte contre lui; immédiatement, par peur, Voltaire a communié en présence d'une personne judiciaire et accompagné d'un groupe de ses vassaux 1'épée nue, mais en même temps commis de telles profanations que je me fais conscience de les décrire. Il est, dit-on, en meilleure santé qu'il y a vingt ans; toutes les dames qui le visitent et l'idolâtrent lui disent si souvent qu'il atteindra cent ans, qu'il le croit, bien qu'il se soit déjà fait construire son tombeau. Je n'espère pas qu'il devienne centenaire, mais il est à craindre qu'il n'exhale encore sept ou huit ans son venin, qui certainement lui coulera encore des lèvres à l'heure de la mort. Son Ferney est un endroit délicieux. La plaine la plus fertile, entourée de montagnes. Son jardin lui fait honneur. D'aimables bosquets, partout une vue superbe, pas de colifichet; il l'a établi lui-méme. La maison est bien disposée et meublée avec luxe; il loge à la bibliothèque; c'est là qu'il lit et travaille. Il avait une nichée de canaris. Nous le quittâmes au bruit du canon. Aujourd'hui nous fûmes à la comédie, qui ne se donne pas ici, mais une demi-lieue plus loin, à la campagne, en France. On jouait une opérette nouvelle pitoyable, la Bataille d'Ivry, de Henri le Grand, qui fut exécutée fort mal, comme elle le méritait, mais au milieu de bruyants applaudissements.


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